Pour cette deuxième émission de Quoi qu’il en coûte, nous recevions l’économiste Bruno Amable pour la sortie de son livre La résistible ascension du néolibéralisme. Modernisation capitaliste et crise politique en France (1980-2020), dans la nouvelle collection d’économie politique des éditions La Découverte, collection dirigée par Romaric Godin et Cédric Durand. Ce livre est la version traduite et augmentée d’un précédent ouvrage publié en 2017, et présente les différentes étapes de la mutation du capitalisme français dans sa version néo-libérale actuelle.

L’entretien a mis en évidence le fait que le Parti socialiste a modifié sa base électorale, et que son adhésion au projet néo-libéral – dont il fut l’un des principaux artisans, comme l’a démontré Rawi Abdelal dans Le consensus de Paris (2005) – répondait aux attentes de son nouveau coeur de cible, qui avait intérêt au développement de la construction européenne et au démantèlement des protections sociales. Parfois perçue à tort comme ouverte et progressiste, la gauche néo-libérale est en réalité franchement autoritaire, comme nous avons pu le voir sous Manuel Valls. L’avènement d’Emmanuel Macron, rassemblant en un « bloc bourgeois » les libéraux de gauche et de droite, ne fut que l’aboutissement de cette logique – qui finit toujours par pencher à la droite extrême, pour ne pas dire à l’extrême-droite.

Selon nous, les travaux de Bruno Amable, ainsi que ceux de Stefano Palombarini avec qui il a co-écrit L’illusion du bloc bourgeois (Raisons d’agir, 2017), nous aident à comprendre que le néo-libéralisme autoritaire n’est pas un projet extérieur qui aurait été imposé à la gauche française par les pays anglo-saxons ou l’Union européenne, mais bien une émanation du bloc bourgeois français. Il reste toutefois à en tirer les conclusions : faut-il chercher à fracturer ce bloc bourgeois en jouant sur ses contradictions internes pour faire revenir à gauche son aile progressiste, ou bien faut-il au contraire faire le deuil de la bourgeoisie éclairée et chercher à créer un bloc anti-bourgeois, aussi difficile que s’annonce la tâche ?


Ramzi Kebaïli, animateur de Quoi qu’il en coûte