Les élections européennes de 2019 ont marqué un net recul pour la gauche eurocritique sur tout le continent, pouvant s’expliquer à la fois par le manque de lisibilité de leur ligne politique, et par une moindre participation des classes populaires hostiles à l’UE.

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Source: Le Monde

Petit tour d’horizon:

En France, la FI (6%) parvient de justesse à faire élire six eurodéputé.e.s, dont une partie avait affiché pendant la campagne leur volonté de sauver l’UE, voire de la ré-oxygéner. Préférant l’original à la copie, une partie de l’électorat de gauche s’est alors tournée vers Europe Ecologie (13%). Résultat, c’est le Rassemblement National (24%) qui se retrouve par défaut à incarner une ligne anti-Macron et anti-UE, malgré leur ralliement total à l’européisme dominant. Pour une analyse plus détaillée, voir cet article de Gaston Lefranc.

En Italie, toutes les listes à gauche du Parti Démocrate ont été balayées dans les 1%, perdant ainsi les élu.e.s de 2014 sur une liste alter-européiste. Le Mouvement 5 étoiles (17%), à la ligne politique toujours aussi floue, a subi un échec cuisant suite à son alliance avec l’extrême-droite de Matteo Salvini (34%). Au lendemain des élections, la Commission européenne a déclenché de nouvelles hostilités contre Salvini, qui ne pourront aboutir qu’au renforcement de sa position. Pour une analyse de la situation italienne, voir mon interview sur RT.

Au Royaume-Uni, les succès du parti pro-Brexit de Nigel Farage (31%), mais également des différents partis du Remain (qui totalisent 40% des suffrages), ont totalement invisibilisé le camp du Lexit. Celui-ci en est réduit à faire pression sur Jérémy Corbyn (14%) pour qu’il conserve le cap du Brexit en cas de victoire aux prochaines élections anticipées. Pour une analyse de la situation britannique, voir mon interview sur RT.

En Grèce, les listes dissidentes anti-euro de Syriza, Unité Populaire et Trajet de liberté de Zoé Konstantopoulou, n’ont obtenu qu’autour de 1%. Même MERA25, le parti plus modéré de Yannis Varoufakis, a raté de peula barre des 3%. Le parti communiste KKE, anti-euro mais sur des bases néo-staliniennes, maintient également deux eurodéputés avec 5%. Il peut ainsi espérer incarner l’alternative à Syriza lors des prochaines législatives qui auront lieu en juillet, Alexis Tsipras ayant démissionné suite à sa défaite (24%). Pour une analyse plus détaillée, voir l’article de Stathis Kouvelakis.

En Espagne, les élections européennes et locales ont été un échec pour Pablo Iglesias (10%), discrédité par son soutien au gouvernement PSOE (33%) et par ses querelles internes avec Inigo Errejon, qui défend une communication pseudo-populiste mais totalement compatible avec l’UE et le PSOE. Notons que sur les 6 élu.e.s de la liste Unidas Podemos, 5 sont sur une ligne euro-compatible (1 vert, 2 communistes, 2 podémistes), et un seul, Miguel Urban du courant Anticapitalistas, porte une ligne de rupture avec l’UE. Pour une analyse plus détaillée sur l’Espagne, voir l’article d’Antoine (NPA Montpellier).

Le Portugal voisin connait une situation politique assez similaire, avec un gouvernement PS triomphant (34%), qui gouverne avec le soutien de la gauche radicale, et parvient à empêcher la montée de l’extrême-droite en menant une politique d’austérité douce. Le Bloc de gauche (10%) et surtout le Parti communiste portugais (7%), aux positions anti-euro et anti-OTAN, ont perdu beaucoup de plumes à soutenir ce gouvernement du « moindre mal ».

Au Danemark, l’Alliance rouge-verte (6%) a modifié sa ligne autrefois anti-UE en 2018, dans le cadre de son alliance européenne avec la FI et Podemos. Elle a donc pour la première fois refusé de soutenir le Mouvement populaire contre l’UE, qui faisait élire des personnalités indépendantes de gauche au Parlement européen depuis 1972. Résultat, avec 4% des voix, Rina Ronja Kari perd son siège et ce courant politique se retrouve éliminé de la scène politique.

Petite consolation en Belgique: le PTB, aux positions hostiles à l’UE, parvient à faire élire Marc Botenga, grâce à une campagne originale dénonçant les privilèges des euro-députés.

Au final, le groupe parlementaire GUE-NGL sera tombé à une quarantaine de député.e.s, dont seule une poignée est réellement anti-UE, laissant ainsi le champ libre à l’extrême-droite pourtant euro-compatible pour incarner le vote anti-système.